Elle s’approcha de lui jusqu’à pouvoir le toucher. Immobile en face de son père adoptif, elle n’osait relever la tête, de peur de casser ce rêve qui semblait si réel.
Elle savait pertinemment qu’elle n’était pas en train de dormir, mais n’envisageait pas qu’une telle réalité puisse être possible. Il n’y avait qu’un geste à faire pour le savoir. Elle leva son bras vers lui, avança sa main lentement pour toucher la sienne, et enfin déplia ses doigts pour entrer en contact. Les musiques, les odeurs, toute son enfance remontait à la surface comme des trésors trop longtemps enfouis. Ses gestes, le temps, l’instant… L’espace s’était ralenti autour d’eux. Elle murmurait doucement des mots à peine audibles, bouleversée de retrouver ainsi celui qu’elle aimait, celui qui la protégeait, celui auprès duquel elle pouvait encore se permettre d’être une enfant.
– Je ne veux plus grandir tu sais. Sa voix avait à peine glissé le long de leurs êtres presque réunis. Quelques millimètres encore pour que leurs corps se touchent pour que l’adieu n’en soit plus un… Pour que la vie signifie au delà de tout une vérité indestructible.
Le corps de Virginie se contracta immédiatement tant la douleur irradia tout son être. La main collée à celle de son père, elle ne pouvait s’en détacher tant la tension qui la soulevait presque de terre l’immobilisait. La souffrance qui la saisit soudainement empêchait le moindre cri.
– Ne me touche pas. Cette voix si familière autrefois venait de très loin. Les lèvres du vieux professeur ne bougeaient pas d’un millimètre, le son émanait de partout sauf de ce corps immobile qu’aucune chaleur n’animait. Virginie étranglée par la violence du mal qui la réduisait au silence sentait ses forces l’abandonner, sa vie s’échappait, son cœur battait de plus en plus vite… Alors que la peau grisée de Philippe Delondres commençait à se rosir.
La vie changeait de côté.