Sans nouvelle d’Anto, ni de David disparus soudainement lors du concert à Prospect parc une semaine auparavant,Lee, Valente, Brian et Elton avaient accepté la proposition d’Herman, de les suivre à Las Vegas pour la semaine annuelle que lui et sa femme s’offraient maintenant depuis plus de vingt ans.
La mère de Valente passait ses jours à écumer les « Bandits manchots » à moins de un dollar, regrettant le temps béni où l’on jouait avec son pot en plastique et de véritables jetons. La carte bancaire, sésame désormais obligatoire pour se ruiner aux machines à sous, ne possédait à ses yeux aucun charme . Son père soucieux de maintenir son taux de cholestérol à un niveau olympique, testait méthodiquement tous les plats de l’immense buffet orgiaque, que le palace mettait à disposition vingt-quatre heures sur vingt quatre pour les clients de la formule « full inside ».
Les quatre ados réunis et déconcertés, regardaient sans voix, depuis la vitre de la suite, la marée humaine envahir l’immense boulevard qui s’enfonçait vers Downtown.
Cela faisait presque vingt minutes maintenant que l’électricité était coupée. Les téléphones portables vidés de leur batterie en servant de torche, s’éteignaient les uns après les autres plongeant petit à petit la mégapole du Nevada dans une noirceur inquiétante et sans relief. La température montait dans toutes les chambres, la climatisation ne fonctionnait plus. Les ascenseurs étaient bloqués, les escalators immobiles, les frigos silencieux, et les TV éteintes. L’éternel bruit de fond sonnant et indécent des salles de jeux, s’était interrompu à la faveur des cris de détresses qui avaient remplacé l’hystérie du quart d’heure précédent.
La nuit sans lune qui ne faisait que commencer promettait le pire à ceux que l’obscurité effrayait. Les voitures immobilisées par des accrochages nombreux dûs à la disparition des feux et de la signalisation électrique, se noyaient dans l’ombre profonde et saisissante d’un monde que la lumière avait abandonné.