Il est déjà compliqué en temps normal de cacher les cadeaux de Noël sans que les enfants ne les découvrent avant l’heure. J’ai fait ça toute mon enfance!
Mais pour un magicien qui sait lire dans les pensées de son prochain… Inutile de déballer astucieusement le paquet cadeau pour le refaire en cachette, il suffit d’écouter l’autre réfléchir pour savoir ce qu’il vous a offert. Les Dolce ne se font plus de surprises depuis longtemps… Trop compliqué.
Ce n’est pas mon cas!
Pour vous faire patienter voilà un long extrait du tome 3…
Joyeux Noël à tous.
Dolce. T3
Le dernier puits.
Extrait:
Veleonia, la mère de Guiléone entra dans le bureau à son tour sans que son pas soit audible, provoquant une légère surprise chez les cinq hôtes. Elle les dévisagea sans les provoquer d’un sourire bienveillant. Elle se posta dans sa longue robe grise en voiles, légèrement en retrait à la gauche de son fils.
Le maître de la fondation ne se voulait ni trop rassurant, ni dominateur. Il n’avait rien à cacher pour une fois dans une négociation et parlait en toute liberté, espérant que cette sincérité de ton finirait de les rassurer.
– « La perte de mémoire n’est pas immédiate, elle sera évolutive et à très long terme. Tant que vous garderez la moindre cellule humaine vous conserverez une grande partie de vos souvenirs. Ce processus est lent, mais au bout d’une dizaine d’années vous serez devenus totalement sorcier jusqu’au dernier ongle… Alors cette mémoire sera aussi inutile qu’inexistante, elle aura tout bonnement disparue. Vous prendrez vos semblables pour des fous quand ils évoqueront vos vies précédentes, il en sera ainsi. Aussi, si vous désirez garder en vous un souvenir important de votre première vie, confiez le moi par écrit, je vous le redonnerai en temps voulu ».
Les cinq magnats sortirent de leurs poches intérieures, presque simultanément, une enveloppe cachetée. Véléonia souriait légèrement, le mouvement collectif ressemblait presque à une chorégraphie enfantine. Elle observait ces hommes qui représentaient ce que la planète avait produit de plus performant en terme de management, de finance, de recherche, d’armes et d’industries. Guiléone se saisit des cinq plis. Ils reculèrent alors d’un pas et s’installèrent tous à nouveau dans leur fauteuil respectif. Face à la mort le plus puissant des humains ressemblait à un enfant perdu, sans parents, démuni et inquiet.
– « La fin d’une vie est une expérience solitaire Messieurs, dominer la peur qui va vous envahir est le premier stade de cette chrysalide. »
Le plus vieux reprit la parole, sa veste en alpaga pourtant taillée sur mesure semblait le contraindre aux épaules.
– « Vous êtes certain d ‘effectuer la première coupure aujourd’hui ? »
– « Certain. »
– « Presque un an avant le calendrier officiel ? »
– « Ce calendrier n’est officiel que pour les chefs d’état qui pensent encore pouvoir décider. Seuls vous cinq connaissez désormais la vrai date. Nous sommes prêts. Pourquoi attendre? Nous n’avons que faire de leurs listes, nous avons les nôtres. Les armées ont besoin au minimum de trois jours pour se mobiliser, sans énergie elles n’existeront pas ou peu. Les avoirs financiers sous votre contrôle, quant aux factions en guerre dans des conflits régionaux, ils n’ont pas besoin de nous pour se massacrer. »
– « Croyez moi messieurs, dans quelques heures à peine chacun voudra sauver sa peau, tout esprit collectif ou solidaire disparaîtra dans l’instant. Il sera question de survie. Il est grand temps de passer à l’action. »
Veleonia venait de faire entendre sa voix cristalline pour la première fois. Elle invita d’un geste gracieux ses convives à la suivre. Guiléone se leva à son tour.
– « Vous allez enfin vous débarrasser de cette encombrante étiquette humaine pour passer à l’étage supérieur, réjouissez vous, la douleur n’est qu’une étape éphémère. »
Véléonia ouvrait le chemin. Guiléone marchait légèrement en retrait de cette colonne un peu lente à son goût. Aucun mot n’avait été prononcé depuis qu’ils avaient quitté le bureau du maître. Ils empruntèrent l’ascenseur privé de la fondation qui menait au niveau très inférieur de la salle du conseil des sorciers. Ils marchaient en file indienne sur l’étroite passerelle naturelle en pierre qui dominait le gouffre immense. Les hommes de la fondation avaient pris soin de baliser le chemin de petits lumières bleues pour que les humains ne s’égarent pas dans ce vide trop proche.
Ces cavités immenses taillées à même le granit New -Yorkais donnait à Guiléone la dimension du premier monde. Il était trop jeune pour l’avoir connu, mais les récits de sa mère suffisaient à tapisser son imagination d’images qu’il puisait dans les souvenirs qu’elle voulait bien partager.
Au milieu du guet, Véléonia s’arrêta pour se retourner vers les cinq vieillards.
– « Vous êtes arrivés. »
– « Comment ça ? » Répondit le premier visiblement inquiet.
A eux cinq ils faisaient fonctionner la planète, décidaient d’un simple clic l’exode d’une population, ou la banqueroute d’un pays. Là, ils étaient démunis, seuls et petits, sur une étroite bande de pierre. Livrés à eux mêmes, le poids des années se fit ressentir pour la première fois. Leurs jambes tremblaient.
Guiléone s’empressa d’atténuer l’angoisse grandissante qui les submergeait.
– Beaucoup donnerait pour vous voir pendre au bout d’une corde, moi je vous offre l’éternité… Enfin presque.
Il tapa fort du pied, faisant trembler la passerelle naturelle. Ce simple geste suffit à ébranler l’équilibre précaire des cinq vieillards. Le premier tomba dans le vide quasi instantanément entrainant dans son mouvement les quatre autres. Leurs cris se perdirent dans un écho fuyant qui laissait présager dans cette obscurité totale, un puits sans fond.
– « Pourvus qu’ils ne meurent pas durant la chute. »
– « Je n’y avais pas pensé mère. C’est un risque à courir. »
– « Je doute que le cœur résistera à l’épreuve ».
– « Le pire ce n’est pas l’atterrissage… »
To be continued…