Il est temps, combien de temps… Juste à temps.
Non je n’ouvre pas un magasin de montres…
Mais le temps me fascine!
Je me suis avancé vers mon bureau ce soir en me demandant comment je pouvais maîtriser le temps… Stupide, inutile et stérile… Voir prétentieux.
Rien que d’y penser j’avais déjà perdu 5 minutes.
J’en suis venu à conclure qu’on ne pouvait pas gagner du temps. Jamais… Que c’était l’expression la plus mensongère du monde.
Gagner du temps reviendrait à remonter dans le temps.
Là ça m’intéresse…
Alors, je me suis retourné dans mon bureau (évidemment je me suis fait mal aux reins) et j’ai jeté un oeil derrière moi pour voir si l’on pouvait regarder le passé.
Si l’on pouvait observer le temps. S’il se passait quelque chose quand on fixait un endroit… Je suis resté figé quelques minutes pour voir apparaitre le temps.
Il n’avait pas défiler comme le voulait l’expression. Il restait caché là autour de moi sans se montrer. Je me suis demandé alors pourquoi on se retournait pour observer le passé, puisque la géographie du temps n’existait pas. Le passé pouvait tout aussi bien se trouver devant moi ou sur le côté (dans un moment d’égarement).
Rien.
Une bonne dizaine de minutes venaient de s’écouler déjà. Le temps filait entre mes doigts malgré mes poings serrés. Comment le saisir ? Ne serait-ce qu’une seconde…
Ne serait-ce qu’un temps.
Qu’un tout petit temps.
Et puis je me suis regardé (autant qu’on peut le faire sans miroir). J’ai alors vu mes pieds. Quand on s’observe on baisse la tête, quelle curieuse estime de soi…
Puis en relevant le regard j’ai vu mes mains.
Quand on regarde ses mains, on les ouvre comme si la solution se trouvait à l’intérieur…
Puis j’ai relevé complètement la tête et j’ai fermé les yeux. Je me suis regardé moi.
Au début je n’ai rien vu. (Un peu inquiétant quand même)
Et puis je me suis laissé emporter par mes souvenirs, par mes pensées, par des visages, des odeurs, des sensations. Je me suis baladé dans le temps, dans la tristesse et la joie. J’ai vu des gens qui n’étaient plus parmi nous, j’ai entendu des airs qu’on écoute plus, des odeurs qu’on aimerait retrouver, des bouts d’enfance qui ne se sont jamais vraiment échappés. Un premiers baisers, une première lettre, la sensation de liberté, l’envie de voler. Les premières ruptures, les derniers mensonges, l’incertitude et le soleil un jour de Mai sur Madison avenue.
J’ai alors compris.
J’ai trouvé l’endroit où le temps n’avait pas prise. Où le passé vivait toujours. Où le présent et sa sensation d’éternité régnait en maître.
Le temps n’existe pas pour l’esprit.
Votre peau vieillit, votre regard faiblit, votre dos se bloque, votre audition baisse, votre genoux vous fait mal…
Mais votre esprit est toujours là, sans âge, plus riche chaque jour d’images nouvelles, de sensations cumulées, de fous rires qui vous reviennent et vous font sourire.
Mes rêves d’enfant n’ont pas changé. Je suis profondément le même. J’ai pu être abîmé, en colère, meurtri, blessé, en danger, inquiet, rassasié, ivre, heureux ou comblé… Mais au fond de moi je suis toujours le même. Je fais semblant de ne plus avoir peur dans le noir, d’aimer les épinards et de ne plus craindre le dentiste.
Il n’en est rien.
Et c’est tant mieux… Je ne suis fidèle qu’à moi même, qu’à cet enfant un peu maladroit, jamais au bon endroit qui se demandait comment on dansait sur cet air là.
Le temps n’y peut rien, car je n’ai jamais eu peur de moi, je n’ai jamais eu honte de ce que je ne savais pas.
Le temps c’est la peur.
Et je n’ai plus le temps pour ça.