Il ne manque qu’un accent pour que l’anagramme soit aussi parfait que terrifiant. Avec les mêmes lettres ont fait tout et son contraire.
Quand j’ai pris cette photo il y a quelques semaines, j’avais vraiment le sentiment de rouler vers la fin du monde.
La sensation parfaite est devenue au fil des miles de plus en plus vertigineuse. Les voitures se sont raréfiées au fur et à mesure des minutes, pour disparaître totalement au bout d’une heure. Nous roulions vers le Nord. Vers très loin. Vers la fin.
Le ciel avait pourtant cette profondeur qui définit l’infini.
« Take five » de Dave Brubeck résonnait dans la Lincoln qui nous emmenait au rythme de cet accord de piano lancinant.
J’étais tranquille, cette musique qui a bercé les dimanche matin de mon enfance m’avait donné rendez-vous vers nulle part.
La sensation d’un cercle dont je venais d’achever le tour… Ce doux vertige aussi tentant que le chant d’une sirène.
Je souriais, la chaleur d’un automne habillé d’été laissait les souvenirs se succéder à la faveurs des kilomètres.
J’aime sans retenue la fragilité d’un moment trop court qu’on voudrait éternel, des glaces de notre enfance qui fondent sous le soleil des vacances et coulent entre nos doigts collants.
Ces premiers rendez-vous aux lèvres promises qu’on n’osent à peine effleurer…
Les mots qui viennent seulement quand la discussion n’est plus.. Et cette main qu’on voudrait saisir mais qui se trouve trouve toujours trop loin, posée sur le genoux interdit du siège voisin, au cinéma le samedi après midi.
Je cherchais déjà cette route que je dévore aujourd’hui. Cet infini qui ne montre que furtivement son visage, Ce passage invisible vers demain, que j’apercevais enfin.
Hier et demain, Mes contraires se tiennent la main.